Contexte | Dans un jugement rendu le 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a jugé que la circonstance que la requérante ainsi que l’un de ses enfants aient été reconnus handicapés par la Maison départementale des personnes handicapées ne pouvait être prise en compte pour la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa situation au regard du droit au logement opposable (DALO), en l’absence de suroccupation, d’indécence ou d’insalubrité du logement occupé (TA Paris, 27 mars 2019, n° 1823232).
Pour ce faire, le Tribunal administratif de Paris a appliqué strictement l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’alors rédigé.
Cet article précise les différents types de situations justifiant l’éligibilité des demandeurs de logement social au droit au logement opposable (DALO).
Jusqu’à peu, il regroupait ces demandeurs en deux catégories, à savoir :
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- ceux qui n’avaient pas reçu de proposition adaptée à leurs besoins et capacités dans un délai supérieur au délai anormalement long, ce dernier délai variant selon les départements (il est par exemple de 6 ans à Paris pour un T1, contre 6 mois dans l’Indre) ;
- ceux qui, sans attendre l’expiration d’aucun délai, étaient :
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- sans logement,
- sous le coup d’un jugement prononçant leur expulsion,
- hébergé de façon continue dans une structure d’hébergement,
- temporairement dans un logement de transition,
- logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre et dangereux,
- handicapé, ou ayant à charge une personne handicapée ET qui occupent un logement indécent ou suroccupé.
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Il résultait de cette disposition que la situation de handicap ne pouvait être retenue comme critère d’éligibilité au droit au logement opposable (DALO) qu’à travers le prisme étroit de la notion d’occupation d’un logement indécent ou suroccupé.
Or, dans l’affaire précitée dont était saisi le Tribunal administratif de Paris, la requérante disposait d’un logement social décent et qui n’était pas suroccupé, ce qui explique le rejet de sa requête.
Position du Conseil d’Etat | La requérante a cependant entendu porter son affaire devant le Conseil d’Etat pour contester le refus de tenir compte de sa situation de handicap.
Et le Conseil d’Etat lui a donné raison.
Il a en effet considéré que la situation du handicap devait être spécifiquement prise en compte ; et ce indépendamment de l’appréciation de la configuration précise du logement manifestement sur-occupé et indécent (CE, 8 octobre 2020, n° 431100).
Plus précisément, le Conseil d’Etat a jugé que la situation de handicap invoquée par la requérante était de nature à justifier le caractère prioritaire et urgent de sa demande, non seulement, si son logement était manifestement suroccupé ou ne présentait pas le caractère d’un logement décent, mais aussi si, comme elle le soutenait, elle n’avait reçu aucune proposition de logement dans un délai supérieur au délai anormalement long et que cette situation rendait son logement inadapté à ses besoins (CE, 8 octobre 2020, n° 431100).
Ce faisant le Conseil d’Etat a fait un pas de plus dans la prise en compte du handicap pour l’accès au logement.
Et le législateur l’a non seulement entendu mais est allé plus loin.
Intervention du législateur | La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale est venue compléter l’article L. 441-2-3, II, alinéa 2 du code de la construction et de l’habitation, d’une phrase ainsi rédigée :
« Elle [la commission de médiation] peut aussi être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur ou une personne à sa charge est logé dans un logement non adapté à son handicap, au sens du même article L. 114 [du code de l’action sociale et des familles] ».
Conséquemment, et depuis le 23 février 2022, une personne handicapée ou ayant à sa charge une personne handicapée, peut saisir la commission de médiation de son département afin de voir reconnaitre sa demande de logement comme prioritaire et urgente dans la mesure où elle justifie que son logement n’est pas adapté à son handicap ; et cela sans condition de délai.
En d’autres termes, dorénavant et sans attendre l’absence de proposition de logement dans un délai supérieur au délai anormalement long, la personne handicapée n’a plus besoin de justifier d’un logement indécent ou d’une suroccupation de celui-ci pour voir reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande au titre du droit au logement (DALO).
Le handicap est ainsi désormais un critère autonome d’accès prioritaire au logement.
Gageons que l’accès au logement pour les personnes handicapées en sera ainsi facilité.
Néanmoins, si votre demande n’est pas jugée prioritaire et urgente par la commission de médiation, vous disposez de recours pour lesquels je vous accompagne (voir DALO – qui peut être reconnu prioritaire).